Lecture d’Hommage de l’éditeur, Cinq essais remarquables réunis et présentés par Giovanni Calabrese, Éditions Liber, 2018
Sous ce titre en lui-même programmatique et dont Giovanni Calabrese s’explique en quatrième de couverture, ce livre réunit cinq essais (Le fantôme du monde de Jacques Beaudry, L’orgueil qu’on enferme de Christophe Etemadzadeh, Les promesses du silence d’Éric Gagnon, Hiérarchies de Louis Godbout et Dialogues en ruine de Laurent-Michel Vacher) déjà publiés dans les années précédentes par la même maison d’édition et que leur éditeur a décidé de republier ici, en un seul volume. À lire cette brève description, on saisit déjà l’originalité ou le caractère inattendu d’un tel projet éditorial.
Le livre des livres que le lecteur tient entre ses mains est ainsi une sorte de défense et illustration de l’essai, dans le sens qu’on donne habituellement à cet exercice d’écriture où la raison convient d’exposer ses sentiments et où l’intelligence ne cache ni ses émotions ni ses hésitations. Tout en témoignant de l’activité et de la personnalité de la maison, chaque texte reproduit dans ces pages conserve son individualité et sa richesse qu’on appréciera pour leur valeur propre. (Hommage de l’éditeur, Quatrième de couverture)
Il s’agit ainsi d’un « hommage » à l’essai comme genre littéraire, mais aussi à cette maison d’édition que fonda voilà trente ans G. Calabrese, maison assez unique dans le paysage québécois, qui se spécialisa dans la prose d’idées la plus exigeante et publia durant ces trente années des centaines d’ouvrages en anthropologie, droit, éthique, littérature, philosophie, politique, psychanalyse, psychologie, sociologie, science, etc. ; hommage aussi au travail de l’éditeur, qui « consiste » à transformer un texte en « livre », c’est-à-dire à porter sur lui « un ensemble de jugements […] qui convergent pour qu’on accepte de le proposer au jugement moral, scientifique, etc. du public » (p. 7).
À ces hommages nécessaires, j’ajouterai, à travers cette recension, un hommage à cet éditeur formidable, passionné et enthousiaste, avisé et attentif au moindre détail, si appliqué, si dévoué à son métier qu’est Giovanni Calabrese. Ce dernier étant aussi, depuis plusieurs années, l’éditeur d’Argument, sur qui nous avons toujours pu compter, au nom de tous les membres du comité de rédaction, qu’il en soit ici bien sincèrement remercié.
Je me dois d’en informer d’éventuels lecteurs, même s’ils l’auront probablement déjà compris en lisant les premières lignes de cette recension qui n’en est pas seulement une, Giovanni Calabrese est un ami. Je ne le dis pas pour excuser la partialité dont je pourrais faire preuve dans ce compte-rendu, car, je le dirai d’emblée, j’ai adoré ce livre et je ne crois pas me tromper, ni tromper qui que ce soit, en affirmant qu’il m’aurait tout autant plu et fasciné s’il avait été publié ailleurs, et par quelqu’un d’autre. Par contre, il aurait peut-être eu beaucoup moins de chance de me tomber entre les mains, et ça, c’est, à mes yeux, un problème sur lequel je reviendrai un peu plus loin. Auparavant, je voudrais préciser la raison de ce besoin que j’éprouvais d’évoquer l’amitié, celle qui me lie à son éditeur, dès les premiers mots de ce commentaire : c’est tout simplement que ce recueil d’essais me semble lié, et ce de multiples façons, à l’idée d’amitié – et pas seulement parce que le dernier de ces cinq essais, celui de Laurent-Michel Vacher, évoque directement une amitié vécue. Je n’en dirai pas plus pour l’instant ; l’affirmation restera donc pour l’heure comme en suspens, peut-être même paraîtra-t-elle quelque peu énigmatique. Mais je vais tâcher de m’en expliquer peu à peu dans les lignes qui suivent.
Un livre improbable
En plus d’être lié à l’idée d’amitié, Hommage de l’éditeur est également ce que j’appellerai un livre improbable en ce sens qu’il aurait bien pu, et même qu’il aurait dû – selon les paramètres actuels qui sont ceux du « marché » du livre – ne pas exister. Selon ces paramètres, on ne republie en effet les livres qu’en fonction du chiffre de leurs ventes, et non pas en raison de leurs qualités intrinsèques. N’eût été la volonté de G. Calabrese, ces cinq essais qu’il qualifie lui-même de « remarquables », et dont je soupçonne qu’ils n’ont pourtant pas connu, lors de la publication initiale, un grand succès de librairie[1], n’auraient donc pas fait l’objet d’une réédition, et seraient probablement tombés tranquillement dans l’oubli.
Peut-être faut-il dire aussi que, dans ce « marché » du livre tel qu’il se présente aujourd’hui, on donne environ six mois à un ouvrage pour trouver son lecteur, c’est-à-dire que c’est à peu près le laps de temps où il demeurera en librairie, offert à la curiosité comme à la libido sciendi d’un potentiel amateur qui ne pourra guère, au-delà de cette période où le livre en question quitte les étalages des libraires pour retomber dans les limbes des entrepôts de l’éditeur ou du distributeur, ni découvrir ni commander un essai dont il aura toutes les chances de n’avoir jamais entendu parler, ni donc le lire. En ce sens, ce recueil a tout d’un pied-de-nez à un « marché » qui, donnant une prime aux sujets à la mode et aux auteurs déjà établis, dissimule les quelques essais originaux et de qualité qui paraissent chaque année sous des piles et des piles de nouveautés sans intérêt. Il semble bien que cet Hommage de l’éditeur nous chuchote entre autres à l’oreille qu’une société qui aimerait véritablement les livres et la culture dont ils sont les meilleurs porte-paroles ne se contenterait certainement pas de ce roulement pluriannuel de nouveautés.
Mais, par-delà ces considérations sur le commerce de la librairie, ce recueil d’essais représente aussi un acte fort de confiance, peut-être même d’obstination (de cette belle obstination de qui laboure le champ des idées) de la part d’un éditeur qui avait d’emblée, en créant les éditions Liber, fait le choix d’un secteur éditorial, qui est, avec celui de la poésie, parmi les plus difficiles – il le reconnaît lui-même (p. 8) –, les lecteurs de tels essais n’étant pas légion, au Québec comme ailleurs, et les lecteurs de prose d’idées québécois ayant en outre la fâcheuse particularité héritée d’un passé où bien souvent celui qui cultivait des ambitions intellectuelles se plaçait en rupture de ban, d’aller chercher leurs nourritures spirituelles à l’étranger, autrement dit de lire en priorité et avec plus de confiance les essais parus ailleurs, aux États-Unis ou en France, plutôt que ceux écrits et publiés ici. Il témoigne enfin d’une foi dans la force des mots et de la pensée qui ne s’est jamais démentie chez lui tout au long de toutes ces années de carrière où il a fait métier d’éditer de tels essais et de nourrir de ce fait la vie intellectuelle québécoise, mais aussi française, belge, etc. puisque les Éditions Liber ont au fil des années publié également nombre d’auteurs européens, ce dont témoigne l’un des cinq essais ici présentés, celui de Christophe Etemadzadeh, qui est français.
Ceci dit, la démarche volontariste de son éditeur n’est pas la seule chose qui rende ce livre improbable. Les bons essais – je n’ose dire les grands essais, mais quelle que soit la catégorie je compte ces cinq-là comme en faisant partie – ont cette particularité d’être eux aussi et en eux-mêmes inattendus, c’est-à-dire d’apparaître tels des coups de tonnerre dans un ciel pas forcément serein ou encore comme des coups de canon détonant dans un pays en paix, mais qui font néanmoins sursauter, surpris, jusqu’au philosophe qui les tient en main. Les bons essais provoquent un virage dans l’esprit de leurs lecteurs, leur font découvrir un aspect jusque-là inaperçu de la culture, lèvent le voile sur une dimension méconnue de leur propre réalité, leur révèlent quelque chose qu’ils sauront désormais et qui influencera à jamais leur manière de regarder le monde qui les entoure. C’est pourquoi ces essais ne sauraient être attendus. Par qui le seraient-ils ? Puisqu’ils suscitent l’apparition d’un lecteur qui, sans eux, aurait pu ne pas exister.
En plus, ces cinq essais brillent également par une singularité qui, par la force des choses, les rend elle aussi improbables autant que surprenants. Hommage à l’essai, au genre de l’essai, ce recueil révèle en effet le potentiel non seulement intellectuel, mais aussi stylistique et formel de ce genre très libre. Chacun à sa manière, ces cinq essais exaltent la force d’une pensée et les charmes de l’écriture, tout comme une forme empreinte d’originalité : des aphorismes de Christophe Etemadzadeh aux listes de Louis Godbout, en passant par l’outrance pamphlétaire et la plume amère de Jacques Beaudry, la prose toute poétique d’Éric Gagnon et ces fragments du dialogue qu’entretient Laurent-Michel Vacher avec l’ami décédé, tous explorent ainsi une dimension particulière de la prose d’idées.
Le fantôme du monde
Le fantôme du monde de Jacques Beaudry, qui inaugure la série de ces cinq essais, pourrait paraître terriblement pessimiste et donc d’une lecture plutôt déprimante. S’ouvrant sur ces mots : « Oubliez le Christ, notre temps commence avec Auschwitz. » (p. 13), il présente – c’est bien le moins que l’on puisse dire – une vision des plus sombres de notre époque. La thèse de Beaudry est en effet que l’envahissement de l’existence par les écrans prépare la venue d’un nouveau totalitarisme, aussi terrible que l’ancien. Au premier abord, la thèse peut paraître exagérée. Mais, au fil des pages, elle gagne en crédibilité, à la fois par les exemples que l’auteur multiplie et par la force de conviction qui se dégage de son style, si bien que, peu à peu, le lecteur se voit presque contraint de convenir avec lui que le tout-informatique, Internet, les réseaux sociaux favorisent effectivement « l’instinct de meute », le «mensonge » et l’ « obéissance », qui furent bel et bien parmi les caractéristiques de « l’ère nazie » (p. 13-14), et donc de partager peu ou prou ses conclusions, sinon son pessimisme.
L’humanité entière se trouve aujourd’hui à fouler, hébétée, le quai d’arrivée d’un temps meurtrier, incapable d’accomplir un geste imprévisible et soudain, susceptible de lui éviter la pire des fins. (Hommage de l’éditeur, p. 14)
Beaudry dénonce avec force le conformisme et la dépersonnalisation qui résultent de cet usage quasi permanent des écrans, tout comme la « marchandisation de [l]a vie privée » qui en découle. Ces conséquences sont à ses yeux le résultat d’une manipulation d’autant plus perverse qu’elle se présente toujours sous les apparences d’une aide, d’une assistance, de l’offre de nouvelles possibilités et s’accompagne d’une « promesse de félicité céleste » (p. 35). Nouvelle servitude volontaire !
Dans l’aveuglement de l’admiration qu’il lui manifeste, l’homme fait cause commune avec la machine contre lui-même. Notre époque s’affaire à spectraliser la présence humaine : nous sommes passés en quelques années du serveur vocal à l’abandon du pouvoir de décider à nos ordinateurs adorés. Il a toujours suffi aux âmes de se soumettre pour se sentir satisfaites […]. (Hommage de l’éditeur, p. 34-35)
Au-delà du rôle démesuré pris par les ordinateurs dans nos vies au cours des dernières décennies, l’essayiste s’attaque plus globalement à la déshumanisation profonde d’un monde entièrement abandonné à l’exploitation capitaliste et à son bras armé, le progrès aveugle commandé par la technolâtrie. Dans un tel monde, estime-t-il, l’homme vit comme en exil, ayant renoncé à la volonté souveraine de tenter de le rendre humain.
Bien sûr, cette dénonciation virulente à laquelle se livre l’auteur ne va pas sans exagération ; ce que ne manqueront pas de déplorer quelques esprits plus rassis et épris d’objectivité. On peut toutefois les inviter à méditer ces propos de Günther Anders, un des auteurs dont s’inspire l’essayiste[2], qui disait de l’exagération qu’elle était « une activité politique »[3], nécessaire, ajoutait-il, pour « rendre visibles des vérités qui sont réprimées par des groupes d’intérêt »[4]. Surtout, les grands bouleversements futurs du monde ne viennent-ils pas, souvent, « comme portés sur des pattes de colombe », pour reprendre cette image nietzschéenne ? C’est pourquoi il convient de grossir parfois le trait de leurs frêles empreintes dans les sables du présent. C’est ce que fait Beaudry sur un ton qui rappelle par sa véhémence celui des prophètes vétérotestamentaires, ou encore les oracles dystopiques des augures modernes terrorisés par leurs visions.
Toutes les informations accumulées sur les vies privées doivent servir aux autorités à prévoir la façon dont un individu pourrait évoluer et à poser au besoin, sur la base de ces prédictions, une action de régulation ; la mathématique de la destinée est un ensemble d’équations à partir desquelles Big Data est dès à présent susceptible de recommander et sera bientôt à même de décider de vous liquider.
Ne faites pas l’étonné si un jour vous trouvez à votre porte un drone armé venu vous annoncer qu’une balle veut vous parler. (Hommage de l’éditeur, p. 20)
A-t-il raison ? A-t-il tort ? Seul l’avenir, évidemment, apportera une réponse à ces questions qui demeurent nécessairement en suspens. Mais, par-delà celles-ci, et que l’on fasse siens ou pas ces pressentiments du cauchemar, cet essai de Beaudry traduit surtout un humanisme exigeant, une haute idée de ce que devrait être une vie humaine qui ne s’abandonnerait pas aux mirages contemporains de la technique. Il s’achève d’ailleurs sur une note de confiance et d’espoir en évoquant ce « quelque chose d’indéfinissable » emprunté à une citation de Primo Levi qui fait toute la valeur de l’humanité.
L’orgueil qu’on enferme. Aphorismes sur l’écriture et la vanité.
Ces aphorismes de Christophe Etemadzadeh se présentent d’une part comme des conseils adressés à tout écrivain et en même temps comme des maximes qui, telles celles des moralistes classiques, décrivent et à la fois critiquent la « vanité » souvent associée au fait d’écrire. Celui-ci, par exemple, est caractéristique de ces deux dimensions initiales de l’œuvre : « On se croit concis parce qu’on ne s’étend pas, mais les phrases courtes et les pensées inabouties ne préservent personne du bavardage. » (p. 43)
À travers ces aphorismes s’exprime ainsi une conception très exigeante de la littérature, dont Etemadzadeh regrette la déchéance contemporaine, c’est-à-dire commerciale, n’hésitant pas à en dénoncer avec mépris tous les ersatz, comme tous les faux-semblants.
Toutes ces personnes qui lisent pour s’évader, pour se divertir – et qui, parce que lire demeure de bon ton, ne craignent pas de s’en vanter… Les alcooliques et les toxicomanes m’inspirent plus de respect. (Hommage de l’éditeur, p. 47)
Cependant, si ses pensées concernent au premier chef l’artiste et l’écrivain, elles débordent en quelque sorte cet objet premier en traçant une opposition entre l’ « orgueil » et la « vanité », et donc entre l’orgueilleux et le vaniteux, qui, loin de ne concerner que ceux qui s’adonnent avec ou sans sincérité à l’art de l’écriture, regarde tout un chacun. Pour Etemadzadeh, cette opposition radicale définit en effet deux manières d’être au monde. « L’orgueil, écrit-il, est le principe qui engage l’amour-propre à se replier sur soi et à fourbir ses armes en silence », tandis que la vanité est « celui qui le porte à se répandre et à espérer le soutien d’autrui » (p. 53), ce pourquoi elle est, ajoute-t-il, « méprisable », car elle recèle tout ce que l’époque a de plus détestable : l’arrivisme, l’ambition bête, la réussite vulgaire, la duplicité vis-à-vis de soi, la fanfaronnade, la jactance et la forfanterie. Ainsi, une telle opposition dessine également les contours d’une société contemporaine « sans pénombre, où règnent vaniteux et flatteurs » (p. 63) et où l’orgueil est devenu une denrée rare.
Lorsque le temps sera venu de juger cette époque, il faudra se souvenir qu’on y conseillait aux jeunes gens d’apprendre à se vendre. (Hommage de l’éditeur, p. 67)
Ces aphorismes et ces réflexions de Christophe Etemadzadeh tiennent ainsi le milieu entre une critique acerbe, mais qui vise juste, et une lucidité extrême un brin désespérée. Il laisse d’ailleurs entendre qu’il est par-dessus tout périlleux de choisir « entre fatalisme et révolte » (p. 68) ; ce refus du choix est ce qui garde l’esprit aux aguets. Et d’esprit, notre essayiste n’en manque pas, ainsi qu’en témoigne cette remarque mi-amère mi-amusée au sujet du « goût pour les langues vivantes » qui revient surtout, puisqu'« on n’a rien à dire », à rêver « de posséder mille façons de prononcer les mêmes banalités » et qui s’achève sur une question rhétorique qui est à elle seule un petit chef-d’œuvre d’ironie.
À quand une école où les bavards apprendraient à se taire en russe ou en finnois ? (Hommage de l’éditeur, p. 76)
C’est sans doute ce demi-jour permanent qui fait le charme tout à fait singulier de cet essai qui se lit comme si on était placé entre chien et loup, sous « le ciel encore clair du crépuscule » (p. 83). Telle une eau-forte, tout à la fois rayonnant et assombri, il permet à son lecteur de savourer tout autant l’intelligence aiguë du propos de l’auteur que les beautés classiques d’un style épuré qui « parle » pour lui et qu’aucune « moue ironique », j’en suis certain, ne viendra désavouer[5].
Les promesses du silence. Essai sur la parole.
Placé sous le patronage d’Albert Camus, sur cette citation de qui il s’ouvre : « Un homme est plus un homme par les choses qu’il tait que celles qu’il dit », cet essai d’Éric Gagnon s’attache à « soutenir ce paradoxe » camusien (p. 88) et s’en acquitte brillamment, entre autres en soulignant à quel point l’opposé de la parole, ce n’est pas le silence, qui lui est bien au contraire nécessaire, mais le bavardage, cette « parole pleine » qui « prétend combler tout le vide » (p. 92).
La parole est faite de silences, et si l’on peut dire avec Camus que l’on est plus par les choses que l’on tait que par celles que l’on dit, c’est bien que le silence ou, plutôt, les silences donnent à la parole ses véritables dimensions : un espace et un temps. Ils relient les paroles sans les laisser se confondre, ils leur procurent une mémoire tout en leur ménageant une ouverture. (Hommage de l’éditeur, p. 192)
Gagnon explore alors quatre paroles fondatrices pour l’être humain : celle de l’enseignant, qui, à travers la transmission d’un héritage, élargit « le cercle de la parole » (p. 98), non pas tant en faisant en sorte que l’élève découvre la « vérité », mais en lui apprenant à acquérir « les moyens de la chercher » (p. 111) ; celle du politique, dont le verbe, dont nous portons peut-être le deuil actuellement, a en charge de construire un « monde commun », c’est-à-dire un monde qui relie « les hommes et les femmes entre eux, et les sépare en même temps » (p. 131) ; celle de la littérature, qui vise « ce qui justifie la parole », tout en relevant « toujours la part d’illusion sur laquelle repose ce qu’elle raconte » (p. 145), permettant ainsi de prendre conscience de ce que « [p]arler est un exil, une privation, en même temps que l’effort pour les surmonter » (p. 147) ; la parole amoureuse, enfin, qui « est animé[e] du désir secret de n’avoir pas à devenir une parole », et qui « en ce sens » est « une utopie » (p. 158).
Si la parole amoureuse conserve un doute à l’égard des mots et de la vérité, elle est aussi un pari sur la vérité et le monde. (Hommage de l’éditeur, p. 169)
Mais la parole n’est jamais assurée. Elle a ses failles – l’indicible – que Gagnon évoque dans un avant-dernier chapitre, l’un des plus beaux. Elle bute toujours sur sa propre impossibilité, comme, par exemple, lorsqu’elle se confronte à la souffrance, à la maladie et, bien sûr, à la mort, à tous ces moments qui nous font durement ressentir « qu’il y a trop de mots, et qu’il manque d’espace et de temps pour parler » (p. 179).
Ce très bel essai d’Éric Gagnon s’achève ensuite sur un chapitre au titre énigmatique emprunté à Elias Canetti, « Le rêve du point-virgule », auquel j’emprunterai cette seule et ultime citation, faute de pouvoir le citer tout du long :
Le rêve du point-virgule, c’est de dépasser les paradoxes du langage. Suspendre la parole un court moment, suspendre provisoirement la conversation, croire que rien n’est encore joué, tout en s’assurant d’une suite. C’est se reprendre, reformuler ce qui a été dit, relancer la conversation. C’est la conscience qu’aucune parole ne se suffit, que personne n’est au commencement ou à la fin, mais toujours dans une suite, un souvenir ou une intention. On parle pour connaître ce que l’on va dire. En espérant et en redoutant le silence. (Hommage de l’éditeur, p. 197)
Hiérarchies
Hiérarchies de Louis Godbout est de loin le plus original des cinq essais réunis ici, et, à bien des égards, le plus original, à la fois dans sa forme et son contenu, des essais qu’il m’ait été donné de lire.
Comme l’explique l’auteur dans un long préambule qui n’est sans doute pas dénué d’une certaine ironie, l’homme est moins épris de savoir que de certitudes. Or, l’ « examen rationnel », la philosophie, peinent à lui en fournir et ne débouchent au contraire que sur le doute et le relativisme. À leur tour, doute et relativisme qui résultent de l’action de l’esprit critique ont peu de conséquences pratiques. Dans les circonstances concrètes de l’existence, il faut bien, en dépit d’eux, que s’exerce le jugement. Ce dernier a donc peu à voir avec l’exercice de la raison et relève plutôt d’une « tendance naturelle à emprunter des raccourcis » afin de « pouvoir trancher en l’absence de connaissance certaine » (p. 209) – situation plus que fréquente dans les conditions réelles où il s’exerce et en dehors desquelles nul n’aurait d’ailleurs besoin de lui. Ce n’est pas pour autant, estime Godbout, qu’il faut rejeter la « libre pensée » et se complaire dans un « état de passivité intellectuelle » qui mène à trancher toute question sur la foi de simples préjugés ou bien à « se conformer aux opinions à la mode » (p. 210). Simplement, estime-t-il, il ne faut pas attendre trop de gratifications de cet exercice de la raison, et surtout pas celle d’une « vie heureuse ».
Ce n’est pas une promesse de bonheur que renferme l’exercice du jugement critique et de la libre pensée, mais de prise de possession de soi-même, de souveraineté et d’autonomie intellectuelle, avec en prime l’ouverture de l’horizon et la possibilité de recevoir le monde dans sa totalité, sans les oeillières, les distorsions, l’interférence de la morale et des idées reçues. À ce titre, sans être une garantie de bonheur, il est une condition nécessaire, souvent suffisante, de la naissance et de l’épanouissement de soi. Sans compter qu’il donne l’audace, d’autres diront le culot, de faire, sans justification aucune, étalage de ses idiosyncrasies. (Hommage de l’éditeur, p. 210-211)
Ces « idiosyncrasies », Louis Godbout les exprime dans une série de listes de dix termes où il tente de hiérarchiser à sa manière l’univers, et de répondre aux grandes et petites questions qui se posent à nous, le tout à travers l’expression d’un jugement de valeur qui, comme il le dit lui-même, n’« explique rien », pas plus qu’il ne cherche à « convaincre » qui que ce soit, ni à « démontrer » quoi que ce soit, ces listes ne visant au final qu’à opposer « l’épaisseur de la vie » à « l’univers plat que décrit la science » (p. 211).
Convenons que cette idée qui est au cœur de Hiérarchies peut sembler quelque peu farfelue ; mais cet essai nous fait observer pour la énième fois qu’il arrive que le farfelu ne soit pas si éloigné du sublime. Il y a en tout cas dans ces listes un je-ne-sais-quoi de déconcertant, de lucide, de drôle, de provocant, d’original, qui fait de leur lecture un véritable exercice de pensée et les apparente aux fulgurances découvertes sous la plume des moralistes du XVIIe siècle comme d’ailleurs de tous les temps. Le dernier terme, surtout, le dixième donc, y brille parfois de par un caractère humoristique et souvent absurde, voire importun, qui fait songer au koan dans la philosophie zen, cette réplique ou cette question du maître au disciple, ou encore cette anecdote qu’il lui raconte et qui semble faire fi de la logique ordinaire amenant ainsi le sol à se dérober sous ses pieds.
Il est difficile de donner de ces listes de Hiérarchies un aperçu valable au lecteur. Je n’en donnerai ici que deux exemples, tout en étant parfaitement conscient du fait que ceux-ci, privés de la succession et de l’ensemble de toutes ces listes, courent le risque de sembler relever d’une forme de hâblerie et peut-être même celui de paraître quelque peu insignifiants, alors qu’ils ne font que confirmer l’évidence qu’un commentaire, aussi enthousiaste soit-il, ne saurait en aucun cas se substituer à la lecture de l’œuvre qui l’a inspiré.
À ne pas confondre
la valeur et la vérité
l’information et le savoir
la conviction et l’évidence
l’obscurité et la profondeur
la cohérence et la justesse
le bruit et le discours
la liberté de penser et la pensée libre
afficher des valeurs et incarner des valeurs
la résignation et le fatalisme
le pessimisme et le tragique
Rencontres déterminantes
celle qui fait voir
celle qui brise l’inertie
celle qui ouvre l’horizon
celle qui le ferme
celle qui relativise ce qui passait pour absolu
celle qui est suivie d’un sentiment d’absence
celle qui absolutise ce qui n’est que relatif
celle qui calme l’angoisse
celle qui excite le désir
un bon garagiste
(Hommage de l'éditeur, p. 228 et p. 231)
Dialogues en ruine
Le dernier essai, qui clôt ce « livre de livres », selon les mots de Giovanni Calabrese, est celui de Laurent-Michel Vacher. C’est le seul des cinq à être dû à la plume d’un auteur décédé ; c’est aussi le plus ancien, le seul à dater du siècle dernier, même si, en matière de livres, l’ancienneté est, je crois, très relative, puisqu’on peut espérer que le temps s’écoule plus lentement pour ces fragiles objets pourtant uniquement composés d’encre et de papier que pour les hommes qui les écrivent. C’est enfin le seul à parler explicitement d’amitié, et même à être placé doublement sous le signe de l’amitié ; dans ces Dialogues en ruine, Michel Vacher recueille en effet la parole de Jean Papineau, l’ami décédé, et, tout au long du beau texte qui constitue la préface de ces dialogues, Giovanni Calabrese salue lui aussi cet ami de vingt ans, trop tôt disparu.
Ce dernier essai ne manque pas, lui non plus, sur le plan formel d’originalité, puisqu’il est composé de brefs dialogues entre Lui et L’autre, qui renouent avec une forme, le dialogue platonicien, qui est comme on sait à l’origine de la philosophie, et comme on s’en doute peut-être moins est considéré par certains (et non des moindres, je pense entre autres à Georg Lukacs) comme étant à l’origine également de l’essai. Mais cette forme dialoguée, Vacher la détourne, la trahit, la subvertit. La plupart de ces dialogues virent en effet peu ou prou au monologue où il laisse toute la place à l’ami auquel ses souvenirs le lient, tout comme ils donnent l’impression d’être à bâtons rompus, tels des instantanés sans véritables liens entre eux ; et, surtout, ces fragments de conversation, qui se déroulent dans des lieux insolites : autobus, restaurant, bar ou boîte de nuit, sans compter leur bureau commun du cégeps Ahuntsic où ils enseignaient tous les deux, traitent de sujets très variés, des plus anodins (la météo, des filles), aux plus traditionnels dans le domaine de la philosophie (la mort, l’art), en passant par des thèmes plus contemporains et plus spécifiquement québécois (le rapport à la France, le nationalisme), le tout sur un ton de camaraderie et dans un style souvent familier.
L’autre – D’où sors-tu ?
Lui – Je reviens du Musée d’art contemporain, où je suis allé visiter une exposition.
– Et ?
– Ennuyeux que c’en est un scandale, comme d’habitude. Tous ces musées sont d’une platitude renversante.
– Mais comment tu expliques ça ? (Hommage de l’éditeur, p. 295)
En lisant ces brefs dialogues, on assiste simplement à la mise en scène de la pensée en action, celle-ci étant inséparable des circonstances de la vie dans ce qu’elle a de plus charnel. Je dirais que c’est en cette pensée vraie, fulgurante, authentique, et non en celle, systématique, dogmatique et adonnée à la certitude, que réside – comme son nom l’indique, d’ailleurs – la force de l’essai. Il est certes tâtonnant, parfois déroutant en ce qu’il ne suit pas le fil à plomb rectiligne d’une réflexion qui sait trop exactement où elle va, mais c’est cet aspect vivant qui fait tout son charme et tout son intérêt. L’esprit s’y dévoile tranquillement, pas à pas, avec ses détours, ses méandres, parfois avec ses excès et ses contradictions, mais aussi avec la conviction qui lui donne son assiette, sans laquelle n’importe quel discours péricliterait en pur verbiage sans suite dans les idées, avec sa voix propre surtout, son style particulier, qui finit par être aussi reconnaissable qu’un visage familier.
L’essai invite enfin à la liberté, car il exige moins de son lecteur qu’il se convertisse et devienne un disciple de celui qui écrit qu’il ne tire de sa lecture tout simplement un plaisir, qui ressemble fort au plaisir intellectuel que procure l’amitié, et surtout ces conversations entre amis où la confrontation parfois vive des idées se voit tempérée par la complicité.
– Tu ferais n’importe quoi pour me contrarier, toi, hein ?
– Rassure-toi, Le Fou. C’est vrai que nous sommes en désaccord sur tout. Mais tu devrais te consoler en songeant à quel point notre entente est profonde sur le reste ! » (Hommage de l’éditeur, p. 275)
L’essai a donc à voir, comme je le disais en commençant, avec l’amitié. Tout comme celui-là, celle-ci n’a en effet guère besoin d’accord complet et unanime, mais simplement d’un insaisissable « reste » sur lequel peut se fonder une union amicale qui, au fond, est toujours d’ordre spirituel. On demeure ainsi attaché à certains amis, alors même qu’il peut subsister entre eux et nous bien des désaccords sur le plan des idées. De même, certains essais nous plaisent, nous charment, nous séduisent, bien qu’ils ne nous convainquent que partiellement.
Et c’est très bien comme ça, car l’essai n’a pas l’ambition d’un traité de philosophie qui cherche quant à lui à convaincre son lecteur, sans « reste ». L’essai ne se situe pas dans ce règne du tout ou rien. De l’absolument vrai, ou faux. Il est plus modeste ; et son ambition se borne souvent davantage à ébranler les certitudes, à remettre la pensée en mouvement, à faire penser, tout simplement. Il fait appel à la complicité d’un lecteur bénévole dont il a besoin pour exister et se réaliser pleinement. C’est pourquoi il s’apparente au dialogue ; fondamentalement, son lecteur y occupe déjà une place en creux, mais une place qui n’est rien moins que primordiale. Sans ce lecteur complice, il ne serait rien.
Or, quoi de plus fondamental que cette forme du dialogue pour nous rappeler la relativité de la raison ? Quoi de plus indispensable que le genre de l’essai pour nous faire ressouvenir du caractère essentiellement vivant de la pensée ? C’est cette vivacité que l’on ressent à la lecture de Dialogues en ruine, la présence de deux esprits en éveil aux prises avec la contingence du réel. Leur réflexion y avance à tâtons, de contradiction en contradiction, au fil d’une conversation dont ils savent qu’elle finira un jour par finir. Le genre de l’essai, depuis Montaigne, est placé sous le joug de la mort. C’est une évidence de plus qui fait de l’essai l’antidote par excellence de toute philosophie systématique, comme de toute construction idéologique, qui, elles, se croient sans doute trop aisément éternelles et absolues.
Dialogues en ruine s’achève sur ces mots de Jean Papineau :
L’échec tient à la mort, à la mort certaine, au dépérissement, au dessèchement et à la pourriture. L’art, c’est précisément cette vanitas, ce soulèvement et cette insurrection contre la vie qui détruit tout sur son passage, parce que la vie c’est déjà la mort au ralenti. Tous ces coups sont des échecs, mais c’est par la faillite, et par la beauté de la faillite, qu’ils sont des coups dans le champ de l’art. (Hommage de l’éditeur, p. 301)
Tout bon essai nous dit quelque chose sur l’homme et nous enseigne l’humanité.
Hommage au métier d’éditeur
Un des derniers échanges entre Lui et L’autre que l’on trouve dans Dialogues en ruine porte sur la culture. Un peu désespéré, en tout cas désespérant, ce chapitre trace le portrait au vitriol d’un Québec qui s’est doté institutions culturelles « modernes, majestueuses, coûteuses », à la hauteur de ses ambitions avouées, mais où la culture demeure malgré tout anémique, illustrée par bien peu de « personnalités audacieuses et inventives, de créations solides et influences ». Bref, Lui souligne cette évidente « disproportion entre les contenants et les contenus » (p. 295).
Je prétends que nous avons trop de musées, de maisons d’édition, d’orchestres, de festivals, de politiques culturelles, de subventions et de prix et tout ça, et pas assez d’idées ni d’œuvres, ni d’artistes, mon vieux, voilà la dure vérité. (Hommage de l’éditeur, p. 297)
Il y a sans nul doute du vrai là-dedans ; mais, en même temps, au moment où j’achève de rédiger cette recension, il y a une chose qui me frappe tout autant, c’est que sans Liber, sans cette maison d’édition qu’a fondée et portée à bout de bras Giovanni Calabrese durant près de trente ans, sans cette institution ou ce « contenant », ces essais que je viens de lire n’auraient probablement jamais vu le jour. Ils auraient été écrits, bien sûr, mais ne seraient possiblement jamais devenus des livres, n’auraient jamais pris leur envol tels des enfants qui s’éloignent un beau matin du domicile familial pour aller vivre leur propre vie, n’auraient jamais atteint un lectorat extérieur aux cercles amicaux de leurs auteurs respectifs – aussi modeste ce lectorat soit-il. Et ce serait fort dommage, étant donné leur qualité et ce plaisir intellectuel et à la fois esthétique qu’ils ont su me procurer. Ce plaisir si peu commun à une époque où le bavardage insipide et le divertissement imbécile occupent tellement de place dans nos vies et dans l’espace médiatique.
De ces cinq auteurs que m’a fait découvrir Giovanni Calabrese, je n’en connais à titre personnel aucun ; et pourtant, après avoir refermé ce livre qui contient leurs cinq essais, j’ai l’impression de les connaître… au moins un tout petit peu. L’essayiste cultive en effet une parole propre, personnelle, une « voix », et implique de la part de son lecteur cette sorte de complicité qui trouve sa source bien entendu dans son propos, dans les idées qu’il défend, mais aussi dans le style de ce qu’il écrit, dans la tonalité qu’il adopte dans son essai. C’est en cela aussi que l’essai est lié à l’amitié, qu’il est une rencontre. Tel Montaigne – encore lui ! – faisant son portrait au fil de ses pensées, un bon essayiste que l’on fréquente plusieurs jours d’affilée, ou bien qu’on lit d’une traite par une neigeuse matinée dominicale, on a l’impression de pénétrer quelque peu dans son intimité, dans celle en tout cas de sa pensée. À propos de Jean Papineau, leur ami commun, G. Calabrese écrit ainsi : « Je remercie mon ami Michel Vacher de me faire entendre, à travers ces dialogues, [sa] voix, […] et de permettre à d’autres qui ne l’ont pas connu de rencontrer indirectement un esprit peu commun. » (p. 263)
Cette relation à trois, où il tient, avec « d’autres », le rôle du lecteur et Laurent-Michel Vacher celui de l’intermédiaire par lequel se nouent généralement les nouvelles amitiés, me fait irrésistiblement songer que cette fonction d’entremetteur définit fort bien le rôle dévolu à l’éditeur. Si tout grand essayiste devient pour ses lecteurs un genre d’ami ou de grand frère, dont la conversation les confronte à leurs propres doutes comme à leur ignorance, en même temps qu’elle les enrichit, eh bien l’éditeur est cet ami commun qui accepte de se tenir en retrait une fois qu’il les a faits les uns et les autres se rencontrer. Métier d’abnégation que ce métier de l’éditeur dont le rôle est aussi essentiel que sa présence demeure discrète. D’ordinaire, son nom n’apparaît pourtant nulle part sur la couverture des livres qu’il publie. Hommage de l’éditeur fait ici exception à la règle tout en nous rappelant cette vérité destinée à demeurer cachée mais que reconnaissent tous les auteurs honnêtes : nul ne saura jamais la part qu’a pu prendre l’éditeur d’un livre à la qualité du produit fini qui, au sortir de ses mains, aboutit sur les rayons des librairies. Il est au cœur de ce processus qui transforme en livre tel ou tel manuscrit qu’on lui envoie. Il est celui qui permet les plus belles rencontres et fait venir à la lumière les plus belles amitiés qu’il soit donné à un lecteur de cultiver.
[1] Renseignements pris : seul le dernier, Dialogues en ruine, connut au chapitre des ventes un succès enviable, dû entre autres au fait que Pierre Foglia – illustre passeur de livres – le louangea dans l’une de ses chroniques.
[2] Le titre de son essai tiré d’une citation du Caïn de Lord Byron placée en exergue fait d’ailleurs également écho au titre de la deuxième partie de L’Obsolescence de l’homme (Édition Ivréa, 2002, pour la traduction française) de cet auteur : « Le monde comme fantôme et comme matrice ».
[3] Sténogrammes philosophiques, traduit de l’allemand par Nicolas Briand, Paris, Éditions Fario, 2015, p. 70.
[4] Ibid., p. 149.
[5] « Tu te ridiculise à parler de style si ton style ne parle pas pour toi. On dirait un employé qui se flatte en public d’être respecté par son chef, sans voir que celui-ci, d’une moue ironique, le désavoue. » (p. 47)